Les Carnets Junko : banque à impact, IA vs dark patterns, donut & business model
Partage d’observations et de ressources inspirantes pour entrepreneurs, corporates et fonds cherchant à réconcilier création de valeur et impact durable.
Bonjour 👋
Merci de lire cette nouvelle édition des Carnets d’Explorations pour entreprendre.
Si vous nous lisez pour la première fois
Entreprendre, est une aventure. Nous vous partageons dans cette newsletter nos réflexions, discussions et ressources pour s'emparer des révolutions environnementales, sociétales, technologiques, et les transformer en opportunités.
Nous sommes Junko, un studio d’innovation qui accompagne celles et ceux qui définissent et agissent sur la stratégie d’une entreprise, d’un produit, ou d’une organisation pour en améliorer la performance & l’impact. Ce sont les entrepreneurs.ses de toute nature et celles et ceux qui les accompagnent. En somme : vous. Bienvenue. :-)
En résumé, dans cette édition :
Dans “Détour(s) - modèle d’affaire original et inspirant”, nous vous proposons de découvrir Green-Got, une néo-banque verte qui remet l’environnement au cœur du système financier.
(💸 Voyons-voir)
Dans “Repérage, extrait de veille pour explorer de nouveaux territoires business”, nous vous partageons un article sur les opportunités qu’offrent l’IA pour lutter contre les pratiques trompeuses, aka les Dark Patterns.
(🥷🏻 Voyons-voir)Dans “Matériel(s), Vieux Campeur des entrepreneurs”, nous vous faisons découvrir la théorie du Donut et son application pour créer ou adapter son business model.
(🍩 Voyons-voir)
Dans “Respiration(s) - contenu inspirant pour respirer”, nous vous invitons à (re)découvrir l’artiste David Hockney pour se reconnecter avec la nature.
(🎨 Voyons-voir)
1. Détour(s)
Présentation d’une facette originale d’un modèle d’affaires : un détour inédit, malin, inspirant pour créer de la valeur, de la performance et de l’impact… sans passer par la Face Nord
Green-Got : une banque pour sauver la banquise
Choisir sa banque et la façon de placer son argent est l’un des 4 leviers principaux pour contribuer individuellement à la transition bas carbone.
Dans ce nouveau Détour, nous explorons le modèle d’affaires de Green-Got qui ambitionne de remettre l'environnement au coeur du système bancaire.
Co-fondé par Maud Caillaux et Andréa Ganovelli, Green-Got est une néobanque verte : une solution de paiement et d’investissement qui finance exclusivement la transition écologique. Sans compromis.
Une néobanque verte qui finance à 100% la transition écologique.
Green-Got redirige les flux financiers pour accélérer la transition. En tant que néo-banque, elle a deux cartes en main : les paiements des comptes-courant et l’épargne.
Un compte courant à contre-courant
On dit souvent que les citoyens peuvent agir avec leur vote et leur carte bleue. Cela prend encore plus de sens chez Green-Got qui fait en sorte que chacune de leurs 1,7 milliard transactions oeuvrent pour la transition.
En effet, chaque compte Green-Got permet d’avoir une carte. Et grâce à chaque paiement, l’entreprise collecte et restitue des dons pour soutenir financièrement des projets à fort potentiel de décarbonation : protection des écosystèmes forestiers, dépollution des océans, et le développement des énergies renouvelables.
Ces dons viennent de deux sources :
De Green-Got. Sur toute transaction, les commerçant paient entre 0,2 et 0,3% de frais. C’est l’interchange. Green-Got a fait le choix de renoncer à ses revenus pour les donner.
Des clients. Sur ces mêmes paiements, Green-Got propose aux clients qui le souhaitent d’arrondir leurs dépenses à l’euro supérieur pour soutenir un projet de leur choix.
Déjà 1,3 million de dons ont déjà été collectés grâce aux paiements des clients Green-Got.
Green-Got :
”Changer le monde, un paiement à la fois”
Une épargne qui épargne notre avenir
L’entreprise fait fructifier les fonds de l’épargne déposés sur leur produit d’assurance vie, en les plaçant uniquement dans des fonds qui répondent à leur promesse de financer la transition.
Pour s’en assurer, ils ont créé une méthodologie en collaboration avec des partenaires comme l’ONG Urgewald ou l’entreprise Carbone 4, et avec l’aide d’un conseil scientifique composé de co-auteurs du GIEC, d’experts du climat et de la finance verte.
Résultats : 99,6% des investissements sont filtrés pour ne garder que les 0,4% qui sont pleinement alignés avec leurs critères écologiques et financiers.
Comment lancer une banque sans fonds, sans équipe mais avec passion ?
Rome ne s’est pas faite en un jour. Green-Got non plus. De la genèse de Green-Got à maintenant, Maud, Andréa, Fabien - leur CTO associé -, et toute leur fine équipe ont eu une approche particulièrement maline.
En mobilisant une communauté d’intérêt(s)
Sans fonds propres, sans produit, sans “track record” entrepreneur, l’équipe est passé par la petite porte. Pour convaincre des investisseurs de financer leur projet, Maud & Andrea créent une communauté.
Entre simulateurs d’impact, posts Linkedin pour expliquer le rôle des banques dans la transition, création d’une liste d’attente pour être tenu au courant du projet : 10 000 personnes les soutiennent en 6 mois. Suffisamment pour convaincre des investisseurs de les financer.
Au moment du lancement, en juin 2022, entre 25 000 et 30 000 personnes sont inscrites à la liste d’attente. Résultat : 5 000 tentatives d’inscription dès le premier jour !

Depuis, Green-Got continue de mobiliser sa communauté, forte et fidèle :
pour tester l’appétence marché du marché aux futures offres, toujours grâce à un système de liste d’attente,
pour prioriser les développements et optimiser les parcours,
pour choisir les entreprises dans lesquels investir,
pour se développer. Le bouche-à-oreille étant encore le levier n°1 d’acquisition.
La communauté est d’ailleurs sollicitée à chaque levée de fonds. Elle s’engage fortement avec des levées particulièrement rapides : 2 millions levés en 80 minutes en 2023, puis 5,2 millions en 148 minutes fin 2024 (Record d’Europe à date :-)…

En mettant la transparence au cœur du coffre
“Nous apportons une transparence radicale et absolue dans chaque action, chaque investissement, chaque projet financé.“
Pour gagner la confiance de sa communauté et répondre aux détracteurs, la Néo-banque a pris le parti d’être la plus transparente possible.
On trouve ainsi simplement sur leur site web : leur rapport d’impact, leur empreinte carbone, les preuves de dons pour le financement des projets, ou encore leur actionnariat, …
Et ils vont encore plus loin. Leur feuille de route - roadmap - est publique et participative. La communauté peut ainsi voir ce sur quoi travaillent les équipes, suggérer et voter pour de futurs services ou fonctionnalités. C’est déjà rare dans le monde entrepreneurial, alors dans celui des banques… Une bonne façon de sentir le pouls.

Une entreprise saine pour un impact durable
Avec 50 000 clients en octobre 2024, et plus de 135 millions sous gestion, la néo-banque tire principalement ses revenus de deux flux :
Un abonnement mensuel pour chaque compte (courant, commun et micro-entreprise). Selon Maud Caillaux, ces revenus permettraient à eux seuls de couvrir tous leurs coûts (employés, infrastructure, support…).
Des frais de contrats annuels sur les montants de l’assurance vie gérés.
Green-Got est ainsi sur de bonnes bases pour poursuivre son impact sur le long terme. Et il faut avoir les épaules solides pour tenir leur ambition : “faire adopter cette exigence climatique par toute l’industrie financière”.
Il reste encore du chemin avant l’agrément bancaire, mais la dynamique est lancée. Pour reprendre les termes de Maud, Green-Got est “une arme de changement massif”.
Bravo à toute l’équipe.
La Perspective Junko
La force du modèle Green-Got repose sur plusieurs piliers particulièrement inspirants pour la création de nouveaux business durables.
Se positionner sans détours sur un levier à très fort impact : le positionnement clair sur l’un des 4 grands impacts bas carbone individuels rend le projet immédiatement légitime pour toutes les parties prenantes. Lisible et engageant.
Une monétisation alignée sur la mission : à l’image du renoncement aux revenus d’inter-change de Green-Got, créer une confiance et une transparence sur un “sacrifice” liés aux potentiels revenus est un bon moyen de justifier un pricing (ici l’abonnement) et d’éviter la méfiance sur des marges cachées. Bref de venir chambouler le status-quo d’un marché tout en assurant un mécanisme de revenus clair et équilibré pour la stabilité financière du projet.
Co-construction avec la communauté : sonder, tester, prioriser et même se financer en impliquant sa communauté permet de fabriquer de meilleurs produits et de dynamiser les effets de recommandation client.
Radicalité dans la transparence : un business model durable doit réussir à s’affranchir de tout soupçon ou de manque de clarté. Opter pour la transparence radicale peut paraître vertigineux mais crée une boucle vertueuse : on montre, on explique, on génère de la confiance et vous renforcez votre crédibilité auprès de vos parties prenantes (clients, collaborateurs, investisseurs, partenaires)
2. Repérage(s)
Le bulletin météo Junko pour explorer de nouveaux territoires : une veille sur les sujets d’innovation, de produit, de transformation qui préoccupent les entrepreneurs de tous horizons.
🧑🏻💻 La revanche des utilisateurs : et si l’IA enterrait les dark patterns ?
L’essor des agents IA pourrait bien amorcer la fin (salutaire) des dark patterns.
Ce sont des mécanismes trompeurs qui tirent parti de nos automatismes ou de notre inattention pour nous faire cliquer, nous abonner ou partager sans réelle intention. Ils s’appuient sur un déséquilibre profond : une maîtrise technique, juridique ou cognitive du côté des entreprises, face à des utilisateurs démunis ou distraits.
Mais ce déséquilibre pourrait bien vaciller...
Une nouvelle génération d’agents IA, conçus pour protéger les intérêts explicites des utilisateurs, pourrait bientôt rendre ces pratiques inopérantes. Certaines startups commencent d’ailleurs à se positionner sur ce créneau : détecter les tactiques manipulatoires, automatiser le refus des cookies, refuser les abonnements à reconduction tacite…
C’est l’un des futurs esquissés dans l’article “Outmaneuvering Friction”, publié par Scott Belsky. Voici donc une lecture et une réflexion intéressante pour enterrer les modèles d’acquisition ou de rétention trompeurs, et peu vertueux sur le long terme, fondés sur l’exploitation de l’ambiguïté. Mais une opportunité d’ancrer les modèles sur une relation plus claire, plus saine, et alignée avec les intérêts de l’utilisateur final… et donc de l’entreprise.
👉 À lire ici : Outmaneuvering Friction
3. Matériel(s)
Bienvenue dans le Vieux Campeur des entrepreneurs : nous vous présentons ici un outil ou une ressource pour vous aider au quotidien. Bref, du matériel robuste (et testé !) pour réussir vos expéditions.
Doughnut Design for Business
🍩 « Mmmmh un Donut » – Homer Simpson
Et si on le prenait au sérieux ?
On vous en parlera régulièrement dans nos Carnets Junko : la théorie du Donut développée par Kate Raworth, économiste et chercheuse à l’Université d’Oxford, est bien plus qu’une simple métaphore au nom étrange. C’est un cadre puissant, visuel et systémique, pour repenser nos modèles économiques.
Et attention. Spoiler. On vous recommande vivement son livre. Et pour vous mettre l’eau à la bouche, voici un aperçu de son propos. Par ailleurs, comme nous sommes dans la rubrique matériel(s) de ce Carnet, nous vous partageons également un lien vers un collectif, gorgé de ressources pour entrepreneurs ayant la volonté de construire ou transformer son modèle sur cette base.
🌍 Un espace sûr et juste pour l’humanité
Kate Raworth nous propose de repenser l’économie comme un espace à habiter, entre deux cercles (le Donut, vous l’avez ?) :
Le plancher social, au centre, qui garantit les besoins fondamentaux : accès à l’eau, à la nourriture, à la santé, à l’éducation…
Le plafond écologique, défini par les limites planétaires établies par des chercheurs du Stockholm Resilience Center : climat, biodiversité, acidification des océans, etc. Si on les dépasse, on déclenche des perturbations systémiques, souvent irréversibles.
L’espace sûr est donc un équilibre fragile et foncièrement systémique. Et c’est justement dans cet “anneau”, entre le plafond et le plancher, qu’une économie vivable peut prospérer.
N’hésitez pas à vous plonger dans ce livre, c’est passionnant et extrêmement pédagogique malgré la complexité des thèmes abordés. À retrouver dans votre bibliothèque ou dans la librairie indépendante de votre choix via ce lien.
🧭 Et le monde de l’entreprise dans tout ça ?
On peut explorer le donut dans un livre ou dans un énième TED Talk, mais les entrepreneurs se posent une question. La bonne question.
👉 Comment cet outil peut-il nous servir de levier pour créer ou adapter son business model ?
C’est là qu’intervient le Doughnut Economics Action Lab (DEAL). Ce collectif international a construit une caverne d’Ali Baba d’outils, d’exemples et d’ateliers pour adapter la théorie du donut aux réalités des entreprises.
On vous recommande d’y plonger ici : doughnuteconomics.org
🧰 Bonus zone. Zoom sur “Doughnut Design for Business”, l’un de leurs ateliers
L’un des outils les plus accessibles pour commencer s’appelle Doughnut Design for Business Tool.
C’est une trame d’atelier en 4 temps pour aider une entreprise à redessiner son modèle en profondeur.
Temps 1 - L’entreprise dans le donut
On commence par se situer :
Quels impacts avons-nous aujourd’hui sur les fondations sociales ? Et sur les limites planétaires ?
Temps 2 - Repenser la raison d’être
Quel est le rôle de l’entreprise dans la société ? Pourquoi existons-nous, au-delà de “créer de la valeur” ?
Inspiration : entreprises à mission, ancrage local, modèles régénératifs…
Temps 3 - Réinventer l’organisation
Cinq dimensions à explorer :
Finalité (pourquoi on existe)
Gouvernance (comment on décide)
Réseaux (avec qui on crée)
Propriété (qui possède quoi)
Finance (quels flux, quels horizons)
Temps 4 - Prototyper des trajectoires
Pas besoin de tout révolutionner en un jour : on commence par imaginer des zones d’impact, des tests à petite échelle, des premières bifurcations. Avec une vision, des convictions, du travail et de l’énergie le temps fera son office vers une transition du modèle vers un horizon durable.
En synthèse, l’esprit de l’outil est d’être :
Collaboratif : à faire en équipe, dans un cadre animé.
Inspiré par le vivant : circularité, résilience, diversité.
Flexible : utilisable en sprint ou en immersion plus longue.
Engagé : pousse à la transformation radicale certes mais aussi par petites étapes.
Voilà, le lien découvrir l’atelier (en anglais) : https://doughnuteconomics.org/tools/doughnut-design-for-business-core-tool
📝 Au final comme le dit Kate Raworth en introduction de son livre :
“The most powerful tool in economics is not money, nor even algebra. It is a pencil. Because with a pencil you can redraw the world”
Si vous avez envie de tester ce cadre dans votre entreprise ou votre collectif, on peut en parler. Chez nous, on aime bien les donuts et (re)dessiner des modèles d’affaires durables et performants.
4. Respiration(s)
Et pour terminer, un bol d’air pour aérer des neurones bien stimulés.
Hockney : le printemps, la technologie et le vivant.
Pour les lecteurs sensibles à la peinture — et puisque nous sommes en plein cœur du printemps — nous dédions la respiration de cette édition à l’artiste britannique David Hockney.
Pour plusieurs raisons :
Une rétrospective lui est consacrée, à la Fondation Louis Vuitton à Paris, jusqu’au 31 août. Une belle occasion de (re)découvrir son œuvre.
Parce qu’il n’a cessé de se réinventer, en embrassant les technologies — ses célèbres œuvres sur iPad en témoignent. Voir l’un des plus grands artistes contemporains interroger sans cesse sa pratique, ses outils et ses supports est vraiment très inspirant. Concernant l’IA, il a déclaré la considérer comme un outil, rappelant avec justesse qu’elle ne peut remplacer la vision et la sensibilité humaine.
Enfin, parce qu’il porte sur la nature — et tout particulièrement sur les arbres — un regard magique et profondément vivant.
Extrait d’une lettre adressée à Ruth Mackenzie, directrice artistique du Théâtre du Châtelet, en 2020 :
“(…) Pourquoi mes dessins sont-ils ressentis comme un répit dans ce tourbillon de nouvelles effrayantes ? Ils témoignent du cycle de la vie qui recommence ici avec le début du printemps. Je vais m’attacher à poursuivre ce travail maintenant que j’en ai mesuré l’importance. Ma vie me va, j’ai quelque chose à faire : peindre.
Comme des idiots, nous avons perdu notre lien avec la nature alors même que nous en faisons pleinement partie. Tout cela se terminera un jour. Alors, quelles leçons saurons-nous en tirer ? J’ai 83 ans, je vais mourir. On meurt parce qu’on naît. Les seules choses qui importent dans la vie, ce sont la nourriture et l’amour, dans cet ordre, et aussi notre petit chien Ruby. J’y crois sincèrement, et pour moi, la source de l’art se trouve dans l’amour. J’aime la vie.
D.”
Chez Junko, on aime les ponts qui amènent à une transition et au lien. Entre passé et présent, entre hiver et été, entre technologies et sens, entre les gens… David Hockney nous en propose de merveilleux.
Merci beaucoup de nous avoir lus.
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