Les Carnets Junko : la réparation à l'échelle, limites planétaires, Product as a Service
Partage d’observations et de ressources inspirantes pour entrepreneurs, corporates et fonds cherchant à réconcilier création de valeur et impact durable.
Bonjour 👋
Merci de lire cette nouvelle édition des Carnets d’Explorations pour entreprendre.
Si vous nous lisez pour la première fois
Entreprendre, est une aventure. Nous vous partageons dans cette newsletter nos réflexions, discussions et ressources pour s'emparer des révolutions environnementales, sociétales, technologiques, et les transformer en opportunités.
Nous sommes Junko, un studio d’innovation qui accompagne celles et ceux qui définissent et agissent sur la stratégie d’une entreprise, d’un produit, ou d’une organisation pour en améliorer la performance & l’impact. Ce sont les entrepreneurs.ses de toute nature et celles et ceux qui les accompagnent. En somme : vous. Bienvenue. :-)
En résumé, dans cette édition :
Dans “Détour(s) - modèle d’affaire original et inspirant”, nous y explorons pourquoi le modèle circulaire de Murfy est taillé pour la croissance et l’impact. (⏱️ Le résumé / ☕ La version détaillée)
Dans “Repérage, extrait de veille pour explorer de nouveaux territoires business”, nous explorons la prise en compte des limites planétaires dans une gouvernance, inspirés par nous voisins Suisses. (👀 Voyons-voir)
Dans “Matériel(s), Vieux Campeur des entrepreneurs”, nous décryptons la notion de “Product as a Service”, et en quoi c’est une opportunité économique et écologique pour les industriels. (👀 Voyons-voir)
Dans “Respiration(s) - contenu inspirant pour respirer”, nous mettons en valeur une citation inspirante de Franklin Roosevelt, écrite juste avant sa mort. (👀 Voyons-voir)
1. Détour(s)
Présentation d’une facette originale d’un modèle d’affaires : un détour inédit, malin, inspirant pour créer de la valeur, de la performance et de l’impact… sans passer par la Face Nord
Expérience client, Formation, Structuration : Murfy, un modèle circulaire taillé pour la croissance
Murfy en résumé : le pari de la réparation à l’échelle
Seuls 12 % des appareil électroménagers sont réparés. Depuis 2017, Murfy transforme la réparation en une alternative crédible, et scalable grâce à trois leviers :
✅ Expérience client : un service plus attractif que l’achat neuf.
✅ Formation : une académie interne pour pallier la pénurie de techniciens.
✅ Structuration : optimisation logistique et automatisation des opérations.
Murfy en détail : un modèle circulaire pensé aujourd’hui pour être robuste et impactant dans la durée
83% des gros appareils électroménagers seraient réparables. Et pourtant chaque année en France, 15,7 millions tombent en panne et moins de 12% sont réparés, selon l’Ademe.
Alors, pourquoi si peu ? Deux raisons principales :
Le coût. Si la réparation dépasse 30 à 40% du prix initial, la plupart des Français préfèrent racheter un appareil neuf. De plus, les tarifs de réparation restent souvent opaques.
Le délai. Trouver rapidement un réparateur fiable est compliqué, surtout hors garantie (ce qui est le cas pour 85% des pannes).
Dans ce Détour(s) des Carnets Junko, focus sur Murfy, une entreprise française qui allonge la durée de vie des appareils électroménagers. Depuis 2017, elle propose des solutions de réparation et de reconditionnement pour limiter le gaspillage.

Un service pensé pour faciliter la réparation
Pour rendre la réparation plus attractive que le rachat, l’entreprise a innové sur plusieurs aspects de son service :
Un tarif fixe connu à l’avance, comprenant autant d'interventions que nécessaire,
Une intervention sous 24h, assurée par des techniciens salariés de Murfy,
Une double garantie. Si l’appareil est réparé, le Bonus Réparation (de 20 à 50€) est directement déduit, et la réparation est garantie 6 mois. Si l’appareil n’est pas réparé, le client reçoit un bon d’achat — du montant du forfait de réparation — pour un modèle reconditionné par Murfy.
Résultats : avec plus de 300 000 clients et une satisfaction record - Net Promoter Score de 85% — , Murfy a su s’imposer comme une marque de confiance auprès des consommateurs.

Former pour pallier la pénurie de réparateurs
Au-delà d’une proposition de valeur efficace, Murfy doit composer avec une contrainte majeure : recruter suffisamment de techniciens pour assurer son service de réparation.
Dès le départ, l’entreprise a fait un choix stratégique fort : embaucher directement ses réparateurs plutôt que d’adopter un modèle de plateforme d’intermédiation “asset light”, pourtant en vogue en 2017. Un pari exigeant, mais essentiel, car ces techniciens sont au cœur de l’expérience client
"Dans 90% des avis positifs, le technicien est cité comme principal facteur de satisfaction."
Mais recruter est devenu de plus en plus difficile. En 2019, la France ne comptait que 4 500 réparateurs électroménagers (source : Ademe) : bien loin des **25 000 postes nécessaires**. La tension s’accentue avec le départ prochain de nombreux techniciens à la retraite et une offre de formations insuffisante.
Pour répondre à ce défi, Murfy a créé la Murfy Académie, une école qui délivre un diplôme équivalent à un Bac Pro. Plutôt qu’un centre de coût, la formation devient désormais un centre de profit car la formation est financée par les OPCO, les régions et France Travail. L’entreprise cible en priorité les adultes en reconversion, entre 30 et 50 ans, partageant sa vision : "Réparer aujourd’hui pour durer demain." À la fin du cursus, Murfy embauche directement les diplômés.
En 2024, l’Académie a formé 12 techniciens par mois, renforçant ainsi une équipe qui compte désormais plus de 250 réparateurs.
Une organisation optimisée pour la croissance
Pour équilibrer la montée en puissance de ses équipes et la demande de réparation, Murfy s’appuie sur deux leviers clés :
Des techniciens polyvalents capables d’intervenir à domicile et de reconditionner des appareils en atelier. Leur planning optimisé sert ainsi les deux branches du modèles Murfy : la réparation (75% du CA en 2021) ou la vente de reconditionné.
Une plateforme technologique performante. Tout est fait pour les techniciens se concentrent sur la réparation et non sur les aspects logistiques ou commerciaux. Murfy a développé une solution logicielle - pour automatiser la commercialisation et les opérations. 10 000 réparations par mois sont ainsi coordonnées automatiquement en s’assurant que les équipes soient bien affectées en fonction de leurs compétences et avec les bonnes pièces.

Un modèle solide et des perspectives prometteuses
En 2024, Murfy a réparé ou reconditionné 100 000 appareils, générant 21 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Et le potentiel est loin d’être épuisé. Murfy dispose d’un modèle opérationnel robuste, prêt à soutenir sa croissance avec plusieurs relais de croissance possibles :
Géographiques : en France où 20% des demandes clients proviennent déjà de zones non couverte par Murfy, ainsi qu’en Europe,
Produits : en élargissant son offre à d’autres appareils à réparer, comme les pompes à chaleur ou les stores, aussi bien chez les particuliers que dans les entreprises.
Affaire à suivre.
La perspective de Junko
Murfy est un modèle riche qui combine efficacement trois clés de succès :
Une structuration industrielle (formation en interne, logistique optimisée, automatisation des opérations) pour passer à l’échelle sereinement.
Une promesse plus économique que le neuf - et même si la réparation ne marche pas.
Une expérience de réparation adaptée à chacun - Murfy produit de nombreux contenus pour réparer par soi même.
2. Repérage(s)
Le bulletin météo Junko pour explorer de nouveaux territoires : une veille sur les sujets d’innovation, de produit, de transformation qui préoccupent les entrepreneurs de tous horizons.
Quand les limites planétaires s’invitent dans la gouvernance 🤔
Le 9 février 2025, les Suisses voteront sur l’initiative populaire « Pour une économie responsable respectant les limites planétaires ». Ce projet ambitieux vise à inscrire dans la Constitution fédérale l’obligation de respecter les capacités de renouvellement des écosystèmes, en s’appuyant sur les limites planétaires.
Une approche systémique de la responsabilité
Aujourd’hui, comme beaucoup de pays, la Suisse dépasse plusieurs seuils écologiques critiques, notamment en matière d’émissions de gaz à effet de serre et de consommation de ressources. L’initiative propose un cadre contraignant pour ramener ces indicateurs en deçà des seuils critiques d’ici 10 ans, tout en intégrant une transition qui se veut socialement équitable. De ce point de vue, il est vrai que les deux sont indissociables pour en garantir les chances de succès. Si les opposants craignent des restrictions affectant l’économie craintes bien évidemment légitimes, les partisans rappellent que d’autres pays ont déjà mis en œuvre des politiques similaires avec succès.
Qu’est-ce que cela peut nous apprendre ?
Au-delà de l’enjeu éminemment politique, cette initiative peut nous offrir des éléments de réflexions ou des enseignements :
→ Intégrer des limites écologiques dans la stratégie
Comme une nation, une entreprise évolue dans un écosystème fini. Adopter une approche basée sur des seuils critiques permet d’anticiper les risques réglementaires, réputationnels et économiques liés à la transition écologique.
→ Définir des trajectoires claires et mesurables
L’objectif d’un retour sous les limites planétaires en dix ans illustre l’importance d’un cadre temporel structurant. Une entreprise soucieuse de sa soutenabilité devrait définir des objectifs chiffrés, adossés à des indicateurs scientifiques, plutôt que de se contenter d’engagements flous.
→ Et bien sûr : allier innovation et responsabilité !
La transformation écologique peut être perçue comme une contrainte ou une opportunité d’innovation (chez Junko on a un avis là dessus 😎 ). Éco-conception, circularité, sobriété numérique : les entreprises qui anticipent et intègrent ces dimensions dès maintenant seront les mieux placées pour répondre aux attentes croissantes des consommateurs, des investisseurs et des régulateurs.
Un référentiel pour l’avenir
Le référendum suisse pourrait marquer un tournant en mettant la question des limites planétaires au cœur des décisions économiques. Pour les entreprises, c’est une invitation à redéfinir leur vision stratégique et leurs stratégies d’innovation durables, en s’inspirant des cadres (avec agilité et adaptation !) pour naviguer dans un monde aux ressources nécessairement limitées.
3. Matériel(s)
Bienvenue dans le Vieux Campeur des entrepreneurs : nous vous présentons ici un outil ou une ressource pour vous aider au quotidien. Bref, du matériel robuste (et testé !) pour réussir vos expéditions.
Le “Product as a Service” : une révolution économique et écologique pour les acteurs industriels ?
Et si demain, au lieu d’acheter un moteur d’avion, une ligne de production ou un système d’éclairage, les entreprises ne payaient que pour leur performance ? Ce modèle, déjà adopté par des géants comme Rolls-Royce ou Philips, redéfinit les règles du jeu industriel. Et possède une actualité renouvelée avec l’IA et le développement de business models plus vertueux. État des lieux made in Les Carnets :).
Le Product as a Service (PaaS) est plus qu’une tendance : c’est une transformation en profondeur des modèles économiques des industriels. Inspiré du succès des logiciels en mode SaaS (Software as a Service) et porté par la révolution digitale – qui permet de connecter les équipements à moindre coût – le PaaS offre aux fabricants la possibilité de ne plus vendre des produits, mais des solutions complètes, incluant maintenance, supervision et optimisation des performances.
Ce changement, loin d’être anecdotique, modifie la relation entre fabricants et clients, en introduisant une logique d’abonnement ou de paiement à l’usage (voire à la performance !) qui bouleverse la gestion financière des entreprises.
Des avantages multiples pour les acteurs
Pour les clients, le modèle PaaS représente une opportunité de transformer radicalement la gestion des investissements. Fini les dépenses gourmandes en CAPEX pour l’acquisition d’équipements coûteux. Place à des dépenses opérationnelles prévisibles via des abonnements ou des paiements à l’usage.
Par exemple, dans le secteur de l’éclairage urbain, Philips propose aux villes de payer pour la lumière consommée plutôt que pour les luminaires eux-mêmes, réduisant ainsi les coûts initiaux tout en optimisant la consommation énergétique grâce à des capteurs intelligents.
L’intégration de capteurs connectés permet en effet aux entreprises d’anticiper les pannes et d’optimiser l’utilisation des équipements. Dans le secteur aéronautique, Rolls-Royce facture les compagnies aériennes en fonction des heures de vol de leurs moteurs, tout en assurant leur maintenance proactive grâce aux données collectées en temps réel. Résultat : moins d’immobilisations imprévues et une performance opérationnelle optimisée.
Pour les fabricants, le PaaS ouvre la porte à des revenus récurrents et à une relation client renforcée. Plutôt que de vendre un produit et de clore la transaction, les industriels deviennent des partenaires sur le long terme. Ce modèle favorise bien sûr la fidélisation et permet d’adapter les offres en fonction des besoins évolutifs des clients.
Une transition culturelle et technologique incontournable
Cependant, le passage au PaaS ne se fait pas sans frictions... Pour de nombreux industriels, cette transformation implique une refonte des modèles commerciaux, opérationnels et.. culturels.
Sur le plan technologique, il est nécessaire de développer des plateformes robustes de gestion des datas et d’intégrer des outils d’analyse prédictive. Les entreprises doivent alors investir un minium dans des solutions de connectivité, le cloud et l’intelligence artificielle pour assurer un suivi en temps réel des performances des équipements.
Sur le plan organisationnel, les équipes commerciales doivent repenser leur approche. La vente de services nécessite des compétences en gestion de contrats plus complexes souvent pluri-annuels et en relation client à long terme. Il ne s’agit plus de conclure une transaction ponctuelle, mais de bâtir une relation continue, basée sur la performance et la satisfaction client.
Enfin, cette mutation touche aussi la comptabilité et la finance des entreprises. Passer d’un modèle de vente à un modèle d’abonnement ou de paiement à l’usage modifie en profondeur la structure des flux financiers et des indicateurs de performance clés. Les CFO doivent adapter leurs méthodes pour suivre ces nouvelles formes de revenus.
Enfin, les entreprises adoptant le PaaS pilotent de nouveaux indicateurs : la Lifetime Value (LTV), le churn (taux de résiliation) et la récurrence des revenus qui deviennent alors des métriques essentielles, aux côtés des marges traditionnelles dans l’analyse du business model.
Un levier pour une transition écologique et durable
Au-delà des considérations économiques, le PaaS représente une véritable opportunité pour accélérer la transition écologique des industries.
En maximisant l’utilisation des équipements et en optimisant leur maintenance, ce modèle contribue à réduire le gaspillage et à prolonger la durée de vie des machines.
Par exemple, dans le secteur des ascenseurs, KONE utilise des capteurs connectés pour prévoir les besoins de maintenance avant que des pannes ne surviennent, réduisant ainsi les interventions inutiles et prolongeant la durée de vie des équipements.
Le PaaS favorise également des modèles circulaires. Les fabricants, en restant propriétaires des équipements, sont incités à concevoir des produits plus durables, modulaires et réparables. Cela facilite le reconditionnement et le recyclage en fin de cycle de vie, minimisant ainsi l’empreinte environnementale.
Cette approche s’aligne avec les réglementations croissantes sur la réduction des déchets industriels et la décarbonation des processus de production. De plus, la sobriété énergétique devient un critère de performance intégré dans l’offre PaaS. Les fabricants ont tout intérêt à optimiser la consommation d’énergie de leurs produits pour maximiser leur rentabilité et celle de leurs clients.
En conclusion, le Product as a Service n’est pas qu’un effet de mode : il s’agit d’une révolution structurelle des modèles industriels. En offrant à la fois des avantages économiques et des bénéfices environnementaux, le PaaS s’impose comme un levier pour les entreprises cherchant à innover tout en répondant aux défis de la durabilité.
4. Respiration(s)
Et pour terminer, un bol d’air pour aérer des neurones bien stimulés.
« La seule limite à nos réalisations de demain sera nos doutes d’aujourd’hui »
Cette citation de Franklin Delano Roosevelt, 32ᵉ président des États-Unis provient d’un discours prévu pour le Jefferson Day le 13 avril 1945, mais qui n’a jamais été prononcé en raison de son décès le 12 avril 1945.
Cette phrase souligne l’importance de la confiance en soi et de la foi en l’avenir. Dans notre contexte, cette citation nous incite entreprises comme individus à dépasser nos hésitations face aux ruptures du monde dans lequel nous vivons et à s’engager résolument dans des initiatives audacieuses pour façonner un avenir meilleur.
Et c’est vrai que nous nous sommes dit qu’avec l'actualité outre-atlantique 😱, n’oublions pas qu'il a existé des présidents américains plus inspirants que d'autres 😉, notamment dans la gestion des grands changements et des crises de ce monde.
Merci beaucoup de nous avoir lus.
Pensez à liker et commenter ce Carnet d’explorations pour Entreprendre avec vos retours et ressentis: cela nous aide à nous améliorer et c’est toujours un plaisir de vous lire.
Si vous avez trouvé cette édition utile, partagez-la. C’est ce qui nous aide le plus à faire grandir notre impact.