Les Carnets Junko : Valorisation des biodéchets, Adaptation & Norm Entrepreneurs

Partage d’observations et de ressources inspirantes pour entrepreneurs, corporates et fonds cherchant à réconcilier création de valeur et impact durable.

Bonjour 👋

Merci de lire cette nouvelle édition des Carnets d’Explorations pour entreprendre.

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Si vous nous lisez pour la première fois

Entreprendre, est une aventure. Nous vous partageons dans cette newsletter nos réflexions, discussions et ressources pour s'emparer des révolutions environnementales, sociétales, technologiques, et les transformer en opportunités.

Nous sommes Junko, un studio d’innovation qui accompagne celles et ceux qui définissent et agissent sur la stratégie d’une entreprise, d’un produit, ou d’une organisation pour en améliorer la performance & l’impact. Ce sont les entrepreneurs.ses de toute nature et celles et ceux qui les accompagnent. En somme : vous. Bienvenue. :-)

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En résumé, dans cette édition :

• Dans “Détour(s) - modèle d’affaire original et inspirant”, nous vous proposons de découvrir Les Alchimistes, un réseau qui valorise nos déchets en compost.

  (🪱 Version courte / 🪱🪱 Version longue)

• Dans “Repérage, extrait de veille pour explorer de nouveaux territoires business”, nous vous partageons un rapport sur l’adaptation des entreprises face au dérèglement climatique. (👀 Voyons-voir)

• Dans “Matériel(s), Vieux Campeur des entrepreneurs”, nous vous faisons découvrir les Norm Entrepreneurs qui luttent contre le “c'est comme ça qu'on a toujours fait”.

  (👀 Voyons-voir)

• Dans “Respiration(s) - contenu inspirant pour respirer”, nous vous invitons à mettre les mains dans la terre en vous plongeant dans Humus de Gaspard Koenig. (👀 Voyons-voir)

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1. Détour(s)

Présentation d’une facette originale d’un modèle d’affaires : un détour inédit, malin, inspirant pour créer de la valeur, de la performance et de l’impact… sans passer par la Face Nord

Les Alchimistes : une entreprise pour nourrir les sols qui nous nourrissent

Version courte (paille) : 🍽️+ 🪱 = 🌱

Depuis 2016, Les Alchimistes collectent et transforment les biodéchets en compost local pour régénérer les sols.

Trois leviers clés :

• 🧠 La sensibilisation, pour convaincre clients et usagers de composter leurs déchets, plutôt que de les enfouir ou de les incinérer.

• ⚖️ Une tarification évolutive, basée sur le poids et de la qualité du tri pour réduire le gaspillage et optimiser les opérations,

• 🤝 Un réseau d’entrepreneurs sous licence de marque, pour “occuper” le terrain localement — la prime au premier arrivé — et renforcer la marque.

Avec 260 salariés, principalement issus de la réinsertion, ce sont déjà 30 000 tonnes de bio-déchets valorisées… sachant qu’il y a 10 millions de tonnes à capter chaque année en France.

Version longue : valoriser les biodéchets “de la fourchette à la fourche”

Les déchets alimentaires représentent un tiers de nos poubelles, et 70% d’entre eux — 10 millions de tonnes en France — sont enfouis ou incinérés. Pourtant, ces déchets sont composés à 90% d’eau et riches en nutriments. Une vraie ressource, aujourd’hui gaspillée.

Dans le même temps, la FOA (L’organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) estime que 40% des sols sont dégradés dans le monde.

C’est ce double constat qui a poussé Alexandre Guilluy et Kenzo Sato à fonder Les Alchimistes en 2016, une entreprise qui collecte les déchets et les valorise en compost. Depuis 2024, ils accélèrent fortement leur développement grâce à un travail de préparation de longue haleine et plusieurs innovations dans leur modèle d’affaires.

Il n’en fallait pas plus pour que Junko s’y intéresse, forcément :-)

La Mission des Alchimistes: “ensemble, composter et nourrir les sols”.

Un modèle circulaire à contre-courant

En s’attaquant aux déchets alimentaires avec une approche circulaire, Les Alchimistes ont la particularité de gérer deux typologies de clients :

• Les clients amont, à qui Les Alchimistes proposent un service de collecte des bio-déchets. Ce sont tous les acteurs qui proposent des services de restauration (Restaurants, cantines, etc…) ainsi que les collectivités qui doivent gérer localement les biodéchets des ménages.

• Les clients aval qui achètent leur compost, utilisable en agriculture biologique. Il est vendu majoritairement en circuit court aux agriculteurs (85%), ou aux particuliers (15%) en direct ou auprès de distributeurs sensibles à la démarche (Biocoop, Franprix, Leroy Merlin, …).

Pour donner un ordre de grandeur : 75% du chiffre d’affaires des Alchimistes île de France viennent de la collecte du compost, et 15% de la revente de compost. C’est l’une des vertus de ce modèle d’économie circulaire : la matière première est aussi une source de revenus.

Vente du Compost en réseau de distribution. Crédit : Les Alchimistes

La réglementation & la sensibilisation pour sécuriser des volumes

Le compost n’est pas une évidence pour tout le monde. Surtout dans un secteur dominé par l’incinération et l’enfouissement, souvent plus rentables à court terme.

Pour se démarquer des acteurs historiques et “détourner” les biodéchets des circuits traditionnels, Les Alchimistes ont su tirer parti des évolutions réglementaires progressives (Loi Grenelle II, Loi AGEC) qui incitent au tri les producteurs de déchets alimentaires.

• En 2012, la loi concernait les plus gros producteurs (+ de 100 tonnes).

• En 2016, le palier est tombé à 10 tonnes avant de concerner tout le monde depuis début 2024.

Un vrai coup d’accélérateur pour capter ces gisements de ressources.

Mais au-delà de la loi, l’entreprise a investi dès le départ dans l’éducation pour en faire un vrai levier de différenciation commerciale.

Les Alchimistes ont ainsi développé une offre de service de sensibilisation — aux gestes de tri, au non-gaspillage et à la préservation des sols — adaptée à chacun de ses publics : citoyens, professionnels, collectivités, politiques, enfants,… Cela passe par exemple par des formations, des ateliers, des visites de plateformes de compostage, et la mise à disposition de kits de communication et de signalétique adaptée.

Atelier de sensibilisation dans les écoles. Crédit : Les Alchimistes

En Ile de France, 10% de leurs revenus viennent de ces actions de sensibilisation et de conseils pour accompagner la mise en place de leur service.

La tarification & la traçabilité pour garantir des déchets mieux triés, mieux compostés, mieux valorisés

Collecter des déchets, c’est bien. Collecter des déchets compostables, c’est mieux. L’entreprise a ainsi aligné son modèle de revenus avec cet enjeu via un système simple et efficace.

Leur tarification est basée sur deux critères principaux : le poids des déchets et la qualité du tri. Pour ce faire, tous les bacs de collecte sont équipés d’une puce pour tracer les volumes récoltés et leur qualité. Les opérateurs pèsent et évaluent le tri de chaque bac avec un système de note allant de une à trois étoiles avec la preuve en photo.

Toutes ces informations sont consolidées et partagées sur un espace client. La facturation est alors évolutive : plus ils trient, moins ils payent. Une approche incitative et lisible au service du portefeuille et de l’environnement.

“Le meilleur déchet c’est celui qui n’existe pas et le deuxième meilleur déchet c’est celui qu’on ne déplace pas”
(Cyrielle Callot, Directrice Générale Les Alchimistes)

Un réseau d’entrepreneurs pour un meilleur impact local

Les Alchimistes ont démarré en Île de France qui leur a servi de laboratoire pour valider leurs processus et garantir le respect des normes, comme la faisabilité de leur modèle circulaire. Face aux premiers résultats encourageants, ils ont été contactés par des entrepreneuses et entrepreneurs en région, curieux de comprendre comment répliquer leur modèle localement.

Plutôt que de les voir comme des concurrents, ils y ont vu l’opportunité d’accélérer la démocratisation du compostage avec un ancrage hyper local, tout en faisant grandir la notoriété et la force de leur marque.

Ils ont ainsi développé un réseau national, en créant une licence de marque permettant de regrouper tous ces entrepreneurs sont sous un même étendard. Aujourd’hui, 12 entités font vivre le projet en Métropole et Outre-Mer.

Réseau Les Alchimistes en Métropole et Outre-Mer

Des impacts concrêts, visibles et locaux

Fin 2024, Les Alchimistes, c’est :

• 4000 clients (+1000 rien qu’en 2024) dans 24 agglomérations de plus de 150 000 habitants,

• 30 000 tonnes de biodéchets valorisés en 5000 tonnes de compost,

• 260 salariés, avec 52% des postes opérationnels issus de parcours d’insertion. Des emplois locaux, non délocalisables.

Une rentabilité en ligne de mire

S’ils ne sont pas encore rentables pour le moment, leur modèle s’accélère drastiquement pour le devenir en atteignant des premiers paliers d’optimisation. Une étape désormais nécessaire pour soutenir leurs ambitions fortes de développement d’ici 2030 : gérer 10 fois plus de déchets en sensibilisant 10% de la population française.

La perspective Junko

Face à la concurrence, Les Alchimistes ont un parti-pris intéressant de “contre-positionnement” - Proposer un modèle alternatif que les acteurs établis auraient du mal à adopter sans remettre en cause leur propre modèle -.

En effet, il n’est pas simple pour les acteurs historiques de basculer sur le compost sans compromettre leur modèle d’affaire existant à court terme. Cette activité viendrait cannibaliser leur revenus issus de l’incinération ou de l’enfouissement, plus rentables.

C’est donc une opportunité pour les Alchimistes de se positionner rapidement avec une nouvelle alternative face à des acteurs historiques liés à leur modèle.

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2. Repérage(s)

Le bulletin météo Junko pour explorer de nouveaux territoires : une veille sur les sujets d’innovation, de produit, de transformation qui préoccupent les entrepreneurs de tous horizons.

Adaptation des entreprises face au dérèglement climatique

Le BCG vient de publier un rapport sur les enjeux d’adaptation des entreprises face au dérèglement climatique, en allant interviewer 28 CEOs de grandes entreprises françaises (Michelin, L’Oréal, …).

“La capacité d’une entreprise à s’adapter devient clé pour assurer sa compétitivité. C’est une question de survie (ou a minima, de maîtrise des coûts) pour beaucoup d’entreprises qui doivent protéger leur bilan et leur marge face au risque climatique (jusqu’à 25 % de pertes d’EBITDA dans un scénario à 2 °C), mais aussi une opportunité de croissance économique.”

Une lecture éclairante et dont nous vous partageons trois extraits :

• Une cartographie des typologies de risques physiques en fonction de leur intensité et de leur récurrence,

• Une évaluation des pertes financières liées au dérèglement climatique pour les entreprises depuis 1990,

• Des exemples d’impacts récents.

Pour en savoir plus, voici l’accès au rapport complet : « Adaptation & résilience des entreprises face au changement climatique »

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3. Matériel(s)

Bienvenue dans le Vieux Campeur des entrepreneurs : nous vous présentons ici un outil ou une ressource pour vous aider au quotidien. Bref, du matériel robuste (et testé !) pour réussir vos expéditions.

Norm Entrepreneurs : celles et ceux qui changent les règles du jeu

On a tous déjà entendu la phrase "c'est comme ça qu'on a toujours fait"…

Et c’est peut-être que nous sommes tombé sur quelqu'un qui n'a pas encore rencontré un “norm entrepreneur”. Ces façonneurs de normes sont justement ceux qui répondent : "Et si on faisait autrement ?".

Mais au fait, c'est quoi un Norm Entrepreneur ?

Un norm entrepreneur, c'est quelqu'un qui regarde une règle établie et se demande si elle fait encore sens. Pas par esprit de contradiction, mais parce qu'il voit une meilleure façon de faire. Il ne se contente pas de suivre les normes existantes, il les redéfinit. Et quand il a raison, tout le monde finit par suivre.

Un peu comme :

• Patagonia et la mode durable : "Achetez moins, mais mieux." (oui, une marque qui vous dit d’acheter moins, c’est un vrai changement de norme).

• Fairphone et l’électronique éthique : "Et si nos téléphones étaient réparables et fabriqués éthiquement ?"

• Danone avec son virage B Corp : "Faire du business, c'est bien. Faire du business en étant utile à la société, c'est mieux."

Pourquoi les normes ne sont pas figées (et heureusement !)

Les normes évoluent parce que la société, la technologie et nos attentes changent. Hier, fumer dans un train ou un restaurant était tout à fait normal (si, si !). Aujourd'hui, ce serait impensable. Qui sait, dans 20 ans, on trouvera peut-être bizarre d'avoir des voitures avec un volant.

Les norm entrepreneurs interviennent à trois moments clés :

• Détecter une norme obsolète : "On pourrait faire mieux, non ?"

• Proposer une alternative convaincante : "Regardez, ça marche !"

• Faire adhérer le plus grand nombre : "Pourquoi vous ne l’adoptez pas encore ?"

Et si vous deveniez un Norm Entrepreneur ?

Adopter une posture d'entrepreneur de normes, c'est choisir d’être acteur du changement au lieu de le subir. Vous pouvez :

• Repérer les normes dépassées : il y en a dans tous les secteurs !

• Proposer une alternative viable : ça marche mieux si c'est utile et applicable.

• Rallier d'autres acteurs : parce qu'à plusieurs, c'est plus rapide.

Pourquoi s'y mettre ?

• Anticiper l'avenir : ceux qui définissent les nouvelles normes prennent une longueur d'avance.

• Se différencier et inspirer : devenir référence sur un marché, être le leader qui agit en explorateur.

• Générer un impact positif : parce qu'au final, il y a des belles aventures à créer.

Les norm entrepreneurs ne se contentent pas d'adopter de nouvelles règles. Ils les créent. Et si la prochaine norme à changer était entre nos mains ?

Pour vous plonger dans le sujet, une intervention intéressante de deux chercheuses de l’Université de Leeds et du UK Research & Innovation dans le cadre de l’Institute for Future Studies de Stockholm.

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4. Respiration(s)

Et pour terminer, un bol d’air pour aérer des neurones bien stimulés.

Et si on compostait aussi nos certitudes ?

Dans Humus, Gaspard Koenig raconte l’histoire de deux étudiants en agronomie qui, comme beaucoup de leur génération, portent le poids d’une crise écologique qu’ils refusent de subir.

• D'un côté, Kevin, fils d’ouvriers agricoles, fonde une start-up de vermi-compostage et devient l’archétype du transfuge de classe propulsé dans l’arène du capitalisme vert…

• De l'autre, Arthur, lui héritier d’un domaine familial lessivé par les pesticides, s’obstine à réparer la terre (et peut-être un peu lui-même) face aux réalités et à la rudesse du monde rural dans lequel il évolue désormais.

Liés par l’amitié, traversés tous deux par le doute, ils confrontent leurs idéaux à la matière : le sol, la société, les réseaux...

Humus est belle une histoire de terre, d’engagements contrariés et orthogonaux. Les bottes dans le compost, la tête pleine de questions et l'engagement à fleur de peau. Ce roman, qui aurait pu n’être qu’un duel caricatural entre start-up nation et low-tech radicale, est en réalité une expérience littéraire dense, parfois drôle, souvent dérangeante.

Chez Junko, il nous rappelle que la terre – comme les idées – a besoin de lenteur, de décomposition, de confrontation pour vraiment nourrir.
Après avoir dévoré ce roman et en parallèle de notre article sur Les Alchimistes, vous verrez qu’il y a peut-être plus qu’une coïncidence entre fiction et réalité.
Et si l'on ose se lancer dans l'analogie (mais c'est bien l'objet de Respiration(s) : le compost, ne serait-ce pas aussi une manière d’envisager l’innovation ?

Patiente, locale, ancrée et qui régénère son écosystème à l'infini.
Pas mal comme modèle aussi, non ? De là à dire que nous devrions tous devenir des lombrics... :-)

📖 Humus, Gaspard Koenig, éd. L’Observatoire (2023)
Disponible dans tous vos belles librairies indépendantes, et on en profite, il est ressorti en poche il y a quelques semaines.

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Merci beaucoup de nous avoir lus.

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